Pontificia Università Gregoriana
Laurent Basanese : « La fraternité doit traverser beaucoup d’étapes et de préjugés »
Interview. Le professeur à l’Université pontificale grégorienne de Rome Laurent Basanese interviendra lors du webinaire du 27 octobre sur le thème « Les défis de la fraternité universelle ». Il revient, à cette occasion, sur son parcours.
Comment avez-vous été amené à travailler en islamologie et quels sont vos sujets d’enseignement et de recherche ?
Laurent Basanese : Je travaille l’islam et les relations islamochrétiennes depuis une vingtaine d’années. Tout cela a commencé par l’apprentissage de l’arabe en 2003, lorsque j’ai été envoyé en Égypte par mes Supérieurs religieux. J’ai poursuivi les études jusqu’à la thèse à Rome et à Paris en m’intéressant aux chrétiens d’Orient (en particulier la figure d’Elie de Nisibe, évêque nestorien important, déjà « en dialogue » avec les intellectuels musulmans de son temps) et à Ibn Taymiyya, l’inspirateur de nombreux mouvements fondamentalistes jusqu’à aujourd’hui (et lui aussi « en dialogue », à sa manière, avec tous les courants politiques et religieux du XIIIᵉ-XIVᵉ siècle). Mes sujets d’enseignement et de recherche portent toujours sur les questions de la rencontre, du débat intellectuel et du vivre ensemble dans un monde complexe.
Pouvez-vous nous présenter le Dicastère pour le dialogue interreligieux ?
Le Dicastère pour le dialogue interreligieux a été fondé durant le Concile Vatican II, il y a presque 60 ans, avant même la publication de Ecclesiam Suam (la grande encyclique du « dialogue » de Paul VI) et avant la Déclaration conciliaire Nostra aetate sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Ce service du Saint-Siège a pour but de créer des liens avec des personnes et des institutions religieuses qui ne sont pas chrétiennes, à l’exception du judaïsme qui bénéficie d’une commission dédiée. Notre travail est de faire en sorte que le dialogue se déroule dans une attitude de respect et d’estime, afin de promouvoir « une vraie recherche de Dieu » avec tous. Pratiquement, nous recevons beaucoup de délégations musulmanes, bouddhistes, hindoues, sikh…, des colloques et des visites sont organisés au Vatican ou dans les pays à majorité musulmane ou bouddhiste, etc. En plus des évêques, nous sommes aussi sollicités par les chefs religieux de toutes confessions lorsque des paroles officielles sur le dialogue interreligieux sont attendues.
Vous interviendrez au webinaire du 27 octobre « Les défis de la fraternité universelle ». Quelle sera votre approche ?
Les défis de la fraternité humaine sont grands, dans un monde mouvant et souvent conflictuel. Il s’agira pour ma part de montrer comment l’objectif de la fraternité doit traverser beaucoup d’étapes et de préjugés. Cela sera difficilement possible sans une réforme de l’éducation et de la formation. Ne pas craindre l’altérité, sans tomber dans la naïveté, est un défi qui ne peut être relevé sans une conversion mentale qui faudra du temps à mettre en place, personnellement et collectivement, pour comprendre qu’identité et dialogue ne sont pas opposés. L’ouverture à l’autre (le dialogue, la rencontre) fait partie intégrante de l’identité humaine et chrétienne.
Propos recueillis par Raphaël Georgy