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Théologies islamiques des catastrophes : entre science, religion et messianismes


Dossier dirigé par Abdessamad Belhaj (Université catholique de Louvain, CISMOC) et Haoues Seniguer (Sciences-Po Lyon, Triangle UMR 5206, Lyon)

Appel à contributions pour le MIDÉO 38 (2023), publié sur le site du Midéo.

La Covid-19 (kūfīd-19) s’est déclarée aux alentours d’octobre-novembre 2019 en Chine. En plus d’être devenue un problème de santé publique mondiale, celle-ci s’est rapidement transformée en « un fait social total » (Mauss, 2013). Elle a effectivement mis en branle une pluralité d’institutions et de champs sociaux au sein des enceintes aussi bien nationales qu’internationales : économique, politique, culturel et religieux.

L’épidémie (wabāʾ) a donc engendré son lot de commentaires et de gloses religieuses de la part des hommes de foi. C’est ainsi que le théologien marocain Aḥmad al-Raysūnī, président de l’Union internationale des savants musulmans (UISM), affirma à propos de la pandémie de coronovirus (ǧāʾiḥat kūrūnā) que celle-ci appartient à « la tradition de l’épreuve/l’affliction[1] » (sunnat al-ibtilāʾ), de sorte à ce que « croyant et homme raisonnable » s’interrogent plus avant sur la manière de « tirer profit » de cette « épreuve » (yastafīdu min al-balāʾ), autrement dit des « leçons » (al-ʿibar wa-l-durūs) du point de vue spirituel et existentiel. Afin que, in fine, les gens puissent selon lui méditer sur « leur façon de vivre et sur leurs comportements » (uslūb ḥayātihim wa-sulūkihim)[2].

Pourtant, loin de se contenter de ce discours consensuel, al-Raysūnī en a également profité pour souligner combien la pandémie avait révélé l’étendue de « la santé (salāma) et sagesse (ḥikma) de l’ensemble des lois et règles contenues dans la religion islamique, de son régime législatif (manẓūmatihi al-tašrīʿiyya) ». Finalement, la pandémie, de ce point de vue, constituerait « la meilleure preuve du caractère céleste de l’islam, valable en tout lieu et en tout temps (ṣāliḥan li-kull makān wa-zamān) », prétendant même que « de nombreux endroits d’Asie orientale auraient embrassé l’islam » après la survenue du virus, parce que leurs habitants se seraient rendu compte que ses « lois et règles assurent la santé et la protection de l’Homme contre tout préjudice et mal (ḍarar wa-šarr) ». Quant au secrétaire général de l’institution présidée par Aḥmad al-Raysūnī, le shaykh ʿAlī Muḥyī al-Dīn al-Qaradāġī, « ces épidémies et virus » (al-awbiʾa wa-l-fayrūsāt) procèdent du « destin de Dieu » (qadar Allāh). Ceux-ci sont « des preuves absolues et vivantes (min al-adilla al-qāṭiʿa al-mušāhada) du pouvoir de Dieu le Très-Haut de décimer qui Il veut décimer, et ce, par le plus faible de ses soldats (bi-aḍʿaf ǧunūdihi) », référant, à l’appui de sa démonstration, à la sourate al-Muddaṯṯir (LXXIV), verset 31 : « Et nul ne connaît les soldats de ton Seigneur sauf Lui » (wa-mā yaʿlamu ǧunūd rabbika illā huwa). Il s’agirait d’une « affliction », « de maladies » (amrāḍ) par lesquelles Dieu « disciplinerait musulmans et non-musulmans », conférant « au croyant éprouvé par elles, mais empli de patience, la récompense du martyr[3] » (aǧr al-šahīd).

En fait, transcendant la seule période contemporaine, la théologie musulmane des catastrophes peut trouver des origines réelles ou présumées dans des passages coraniques ou des traditions dites prophétiques (Sunna) qui rapportent des calamités, avérées, allégoriques ou eschatologiques : nous pensons à la bataille de Uḥud, aux scènes de l’Apocalypse (ou apocalyptiques), à la punition des peuples mécréants par la destruction, la noyade, etc. La sourate al-Zalzala (XCIX) illustre par exemple l’imaginaire coranique de la catastrophe, comme événement apocalyptique maîtrisé ou jugulé par l’omnipotence et la justice divines. À la suite du Coran, les clercs musulmans, dans l’histoire, ont ainsi produit plusieurs types de littérature religieuse comme réponses aux catastrophes, naturelles ou humaines : guerres, épidémies, famines, tremblements de terre, etc. Probablement, la littérature à ce titre la plus ancienne est celle du corpus des traditions prophétiques (ou « imamiques » du côté šīʿite), tantôt de facture messianique, tantôt de facture pragmatique, tendant à former une espèce de norme théologique en matière de désastre. On en trouve des traces dans les chapitres des miḥan (épreuves), des fitan (séditions), du ṭāʿūn (peste) ou du ṭibb (médecine) dans les compilations prophétiques efflorescentes au 3ᵉ/9ᵉ siècle, à l’instar de la compilation al-Ǧāmiʿ al-ṣaḥīḥ (Le Compendium des traditions authentifiées) d’al-Buḫārī (m. 256/870). Ce dernier considère que l’épidémie est un destin de Dieu, un châtiment et une épreuve, que la contagion en soi n’existe pas (la peste étant une création divine dans la conception traditionniste), élevant en outre le statut du mort par épidémie à celui de martyr, et conseillant, de surcroît, le confinement.

Un autre type de littérature théologique des catastrophes, plus tardive et plus sophistiquée cette fois-ci, apparaît dans des traités théologico-éthiques sur les épidémies (Aḥmad ʿIṣām ʿAbd al-Qādir al-Kātib a compté 33 textes). En effet, nous disposons d’une trentaine de traités théologiques composés par des théologiens et des juristes musulmans sur le ṭāʿūn (peste) ou le wabāʾ (épidémie). Le traité le plus influent, qui a d’ailleurs fait autorité dans les milieux sunnites, est celui de Baḏl al-māʿūn fī faḍl al-ṭāʿūn (Offrir la bienfaisance à l’égard de la vertu de la peste) composé par Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, traditionniste égyptien mort en 852/1449. Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī y discute le rôle du djinn dans l’épidémie, le statut du mort par la peste (qui devient égal à celui du martyr), de l’importance de rester confiné dans le pays touché par la peste, de se repentir, d’accomplir les invocations pour demander à Allāh la levée de la peste, ainsi que d’adopter des précautions et pratiques médicales comme la phlébotomie. On y trouve aussi une tradition tardive attribuée au Prophète, qui dit que : « La peste est un martyre et une compassion pour ma communauté, une torture pour les mécréants », ce qui pose la question de l’altérité et de la peur dans la vision traditionniste de la catastrophe, du danger ou de la menace.

Du côté šīʿite, le clerc Muḥammad ibn al-Ḥasan al-Ḥurr al-ʿĀmilī (m. 1104/1693) a dédié un chapitre de sa somme de jurisprudence šīʿite Wasāʾil al-šīʿa (Les Instruments des šīʿites) à la question de l’autorisation de fuir les lieux de l’épidémie et de la peste, sauf en cas de nécessité d’y résider, comme pour les combattants et les gardes-frontières. Nous pouvons y voir toute la flexibilité de la pensée théologique šīʿite en matière de (ré)conciliation entre les contraintes de l’urgence et les normes en vigueur de la tradition « imamique ».

Les travaux de Jacqueline Sublet, Josef van Ess, Boaz Shoshan, Lawrence I. Conrad et de Justin K. Stearns, entre autres, montrent que les croyances autour de l’épidémie ont été largement déterminées par les discours théologiques jusqu’au XIXᵉ siècle. Néanmoins, même si ces travaux sont érudits et toujours utiles, ils sont datés et manquent en partie d’analyse plus serrée du contenu des traditions. Aussi, au vu de l’acuité de cette théologie islamique des catastrophes qui s’est (re)déployée récemment, notamment dans le monde majoritairement musulman, certaines questions sur les continuités/discontinuités dans le discours théologique entre hier et aujourd’hui restent à interroger, à investir plus avant ; celles également relatives aux normes, aux dilemmes éthiques qui se posent aux musulmans confessants et à leurs autorités religieuses : des dilemmes éthiques entre la part de destin et la part de l’action humaine, en particulier de la responsabilité devant Dieu et l’ensemble de l’humanité ; entre la préservation de la vie humaine et les impératifs d’observance des rites et rituels religieux stricto sensu. Qui a causé l’épidémie : Dieu, les djinns ou les hommes (et lesquels) ? Faut-il se fier, du point de vue des théologiens intéressés à la question, à la science ou aux données de la foi pour expliquer les phénomènes épidémiques, naturels, mais également surmonter, prévenir ou conjurer les catastrophes ? Quelle est la part du sacré, du séculier ou du profane, en d’autres mots, quelle est la part réservée à l’un et à l’autre dans les théologies musulmanes ? Dans quelle mesure la théologie islamique (ou théologies islamiques) des catastrophes est-elle aussi et simultanément une théologie de la peur, sinon de la responsabilisation/‌culpabilisation de l’Homme face à lui-même et face à ses semblables ? Quelle différence le discours islamique classique et contemporain établit-il entre le musulman et le non-musulman face à l’épidémie ? Comment comprendre les différents arguments normatifs religieux mobilisés par les théologiens ? Peut-on relever, à ce propos, des différences entre les littératures sunnites et šīʿites ? Entre la littérature ancienne et plus tardive concernant les catastrophes ou drames humains ? Comment les théologiens musulmans contemporains s’emparent-ils de la littérature religieuse classique pour développer leur regard sur l’environnement, le déchaînement des éléments naturels, voire vis-à-vis de l’ordre politique, etc. ?

C’est à ces quelques grandes questions parmi d’autres possibles que souhaite se confronter le dossier de ce MIDÉO consacré, au sens large, à la théologie islamique des catastrophes à différentes époques de l’histoire, dans la pensée théologique ancienne, moderne et contemporaine.

  • Date limite pour proposer un article: 30 juin 2021 (pour une publication prévue en janvier 2023).
  • Merci d’envoyer votre article à mideo@ideo-cairo.org.
  • Le MIDÉO accueille à la fois des articles et des éditions de textes. Nous ne fixons pas de limite de longueur aux articles, seul l’intérêt scientifique est pris en compte. Merci de noter que les articles qui n’appliquent pas nos recommandations aux auteurs ne seront pas évalués.

Sources primaires

  •  al-ʿĀmilī (1104/1693) Muḥammad b. al-Ḥasan al-Ḥurr, Wasāʾil al-šīʿa, Téhéran, al-Maktaba al-Islāmiyya bi-Ṭihrān, 1975.
  • Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī (852/1449) Aḥmad b. ʿAlī, Baḏl al-māʿūn fī faḍl al-ṭāʿun, éd. par Aḥmad ʿIṣām ʿAbd al-Qādir al-Kātib, Riyad, Dār al-ʿĀṣima, 2016.
  • al-Suyūṭī (911/1505) Ǧalāl al-Dīn ʿAbd al-Raḥmān b. Abī Bakr, Mā rawāhu al-wāʿūn fī aḫbār al-ṭāʿūn, Damas, Dār al-Qalam, 1997.

Études

  • Lawrence I. Conrad, “Ṭāʿūn and Wabāʾ: Conceptions of Plague and Pestilence in Early Islam”, Journal of the Economic and Social History of the Orient 25/3, 1982, p. 268‒307.
  • Josef van Ess, « La peste d’Emmaüs. Théologie et ‘‘histoire du salut’’ aux prémices de l’Islam », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 2000, 144-1, p. 325‒337.
  • Josef van Ess, Der Fehltritt des Gelehrten: die « Pest von Emmaus » und ihre theologischen Nachspiele, Heidelberg, C. Winter, 2001.
  • Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, P. U. F., 2013.
  • Boaz Shoshan, “Wabāʾ” in : EI II, Vol. 11, p. 3‒5.
  • Justin K. Stearns, Infectious Ideas: Contagion in Premodern Islamic and Christian Thought in the Western Mediterranean, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011.
  • Jacqueline Sublet, La peste prise aux rets de la jurisprudence : le traité d’Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī sur la peste, Paris, Éditions Larose, G. P. Maisonneuve, 1971.

[1] https://www.aljazeera.net/programs/shariah_and_life_during_ramadan/2020/4/27/الشريعة-والحياة-في-رمضان (consulté le 20 juin 2020).

[2] http://alwatannews.tn/article/14562 (consulté le 20 juin 2020).

[3] http://iumsonline.org/ar/ContentDetails.aspx?ID=11019 (consulté le 21 juin 2020).

Thematic issue edited by Abdessamad Belhaj (Catholic University of Louvain, CISMOC) and Haoues Seniguer (Sciences-Po Lyon, Triangle UMR 5206, Lyon)

Call for Papers for MIDEO 38 (2023)

The Covid-19 (kūfīd-19) pandemic broke out around October-November 2019 in China. In addition to having become a global public health problem, it quickly became “a total social fact” (Mauss, 2013). It has effectively set in motion a plurality of institutions and social fields (economic, political, cultural and religious), within both national and international milieus.

The epidemic (wabāʾ) has thus generated its share of comments and religious glosses by prominent religious figures. For example, the Moroccan theologian Aḥmad al-Raysūnī, president of the International Union of Muslim Scholars (IUMS), stated with regard to the Covid-19 pandemic (ǧāʾiḥat kūrūnā), that it belongs to “the tradition of trial/affliction” (sunnat al-ibtilāʾ),[1] so that both “believer and reasonable men” will further question how to “benefit” from this “trial” (yastafīdu min al-balāʾ), or “lessons” (al-ʿibar wa-l-durūs), from a spiritual and existential point of view so that, in the end, according to him, people can meditate on “their way of life and behaviour” (uslūb ḥayātihim wa-sulūkihim).[2]

However, far from being satisfied with this consensual discourse, al-Raysūnī also took the opportunity to underline how the pandemic had revealed the extent of “the health (salāma) and wisdom (ḥikma) of all the laws and rules contained in the Islamic religion and its legislative regime (manẓūmatihi al-tašrīʿiyya)”. From his point of view, the pandemic would constitute “the best proof of the celestial character of Islam, valid in any place and at any time (ṣāliḥan li-kull makān wa-zamān)”. He even claims that “many places in East Asia embraced Islam” after the outbreak of the virus, because their inhabitants would have realized that its “laws and rules ensure the health and protection of humanity against all harm and evil (ḍarar wa-šarr)”. As for the secretary general of the institution presided over by Aḥmad al-Raysūnī, the shaykh ʿAlī Muḥyī al-Dīn al-Qaradāġī, “these epidemics and viruses” (al-awbiʾa wa-l-fayrūsāt) stem from the “destiny of God” (qadar Allāh). They are “absolute and living proof (min al-adilla al-qaṭʿiyya al-mušāhada) of the power of God the Most High to decimate whom He wishes to decimate, and this, by the weakest of His soldiers (bi-aḍʿaf ǧunūdihi)”, referring in support of his demonstration to Sūrat al-Muddaṯṯir (74), verse 31: “None knows the soldiers of your Lord except He” (wa-mā yaʿlamu ǧunūd rabbika illā huwa). The pandemic is said to be an “affliction”, “diseases” (amrāḍ) by which God “disciplines Muslims and non-Muslims alike”, conferring “on the believer tried by them, but filled with patience, the reward of martyrdom” (aǧr al-šahīd).[3]

Before the contemporary period, the Islamic theology of disasters has its real or presumed origins in Qurʾānic passages and prophetic traditions (Sunna) that report calamities, whether proven, allegorical or eschatological: We think here of the battle of Uḥud, the apocalyptic narratives, the punishment of the unbelievers by destruction, drowning, etc. Sūrat al-Zalzala (99), for example, illustrates the Qurʾānic imaginary of catastrophe as an apocalyptic event controlled or suppressed by divine omnipotence and justice. Following the Qurʾān, Muslim clerics have historically produced several types of religious literature in response to natural or human disasters: wars, epidemics, famines, earthquakes, etc. Probably the most ancient literature in this respect is that of the corpus of prophetic (or Imāmī among the Šīʿa) traditions, sometimes messianic, sometimes pragmatic, tending to form a kind of theological norm in matters of disaster. Traces of this can be found in the chapters devoted to miḥan (ordeals), fitan (seditions), ṭāʿūn (plague) or ṭibb (medicine), in the prophetic compilations flourishing in the 3ʳᵈ/9ᵗʰ century, as for example in the compilation al-Ǧāmiʿ al-ṣaḥīḥ (“The Compendium of Authenticated Traditions”) of al-Buḫārī (d. 256/870). Al-Buḫārī considers that the epidemic is a destiny of God, a punishment and an ordeal; that contagion in itself does not exist (the plague being a divine creation in the traditionalist conception), furthermore raising the status of the dead by epidemic to that of martyrs, and, lastly, advising confinement.

Another, later and more sophisticated type of theological literature on disasters appears in theological-ethical treatises on epidemics (Aḥmad ʿIṣām ʿAbd al-Qādir al-Kātib counted 33 texts). Indeed, we know about thirty theological treatises composed by Muslim theologians and jurists on ṭāʿūn (plague) or wabāʾ (epidemic). The most influential treatise, which was authoritative in Sunni circles, is Baḏl al-māʿūn fī faḍl al-ṭāʿūn (“Offering benevolence to the virtue of plague”) composed by Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, an Egyptian traditionist who died in 852/1449. Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī discusses the role of the jinn in the epidemic, the status of the plague-dead (which becomes equal to that of the martyr), the importance of confinement in a plague-affected country, of repentance, of performing invocations to Allāh to ask for the lifting of the plague, and of adopting medical precautions and practices such as phlebotomy. There is also a late tradition attributed to the Prophet, which says that: “The plague is a martyrdom and a compassion for my community, a torture for the unbelievers”, which raises the question of otherness and fear in the traditional view of disaster, danger or threat.

On the Šīʿa side, the cleric Muḥammad ibn al-Ḥasan al-Ḥurr al-ʿĀmilī (d. 1104/1693) dedicated a chapter of his summa of Šīʿī jurisprudence Wasāʾil al-Šīʿa (“The Instruments of the Šīʿa”) to the question of the authorization to flee the places of the epidemic and plague, except in case of necessity to reside there, as is the case for combatants and border guards. This work displays all the flexibility of the theological Šīʿī thinking in matter of (re)conciliation between the constraints of the emergency and the norms in force in the “Imāmī” tradition.

The research of Jacqueline SubletJosef van EssBoaz ShoshanLawrence I. Conrad and Justin K. Stearns, among others, show that beliefs about the epidemic were largely determined by theological discourses until the 19ᵗʰ century. Nevertheless, while this research is still scholarly relevant and useful, it lacks in part a closer analysis of the content of the traditions. Also, in view of the acuteness of this Islamic theology of catastrophes that has (re)deployed itself recently, especially in the predominantly Muslim world, some questions on continuities and discontinuities in the theological discourse remain to be questioned and further investigated. This includes questions relating to the norms and the ethical dilemmas that arise for practicing Muslims and their religious authorities: ethical dilemmas between destiny and human action, and in particular the responsibility before God and the whole of humanity; between the preservation of human life and the imperatives of observance of religious rites and rituals in the strict sense. Who caused the epidemic: God, the jinns or men (and which ones)? Should theologians interested in the question rely on science or revelation to explain epidemics and natural phenomena, but also to overcome, prevent or ward off disasters? What is the share of the sacred and of the secular or the profane in Islamic theologies? To what extent is the Islamic theology (or Islamic theologies) of disasters also and simultaneously a theology of fear, if not of responsibility/culpability of human beings towards themselves and towards humanity? What difference does classical and contemporary Islamic discourse make between Muslims and non-Muslims in the face of the epidemic? How can we understand the different religious normative arguments used by the theologians? In this regard, are there any differences between Sunni and Šīʿī literatures? Or between ancient and late literature on disasters or on human dramas? How do contemporary Muslim theologians seize upon classical religious literature to develop their view of the environment, the unleashing of natural elements, or even rebellion against the political order, etc.?

It is to these major questions, among other possible ones, that this thematic issue of MIDEO is devoted: the Islamic theology of catastrophes at different periods of history, in ancient, modern and contemporary theological thought.

  • Deadline to submit a paper: June 30, 2021 (the publication is scheduled for January 2023).
  • Please send your proposed article to: mideo@ideo-cairo.org.
  • MIDEO welcomes articles and scientific text editions. We do not set a maximum length for articles, as long as the scientific interest is there. Please kindly note that articles that do not compel with our guidelines will not be evaluated.

Primary sources

  • al-ʿĀmilī (1104/1693) Muḥammad b. al-Ḥasan al-Ḥurr, Wasāʾil al-šīʿa, Téhéran, al-Maktaba al-Islāmiyya bi-Ṭihrān, 1975.
  • Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī (852/1449) Aḥmad b. ʿAlī, Baḏl al-māʿūn fī faḍl al-ṭāʿun, éd. par Aḥmad ʿIṣām ʿAbd al-Qādir al-Kātib, Riyad, Dār al-ʿĀṣima, 2016.
  • al-Suyūṭī (911/1505) Ǧalāl al-Dīn ʿAbd al-Raḥmān b. Abī Bakr, Mā rawāhu al-wāʿūn fī aḫbār al-ṭāʿūn, Damas, Dār al-Qalam, 1997.

Secondary sources

  • Lawrence I. Conrad, “Ṭāʿūn and Wabāʾ: Conceptions of Plague and Pestilence in Early Islam”, Journal of the Economic and Social History of the Orient 25/3, 1982, p. 268‒307.
  • Josef van Ess, « La peste d’Emmaüs. Théologie et ‘‘histoire du salut’’ aux prémices de l’Islam », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 2000, 144-1, p. 325‒337.
  • Josef van Ess, Der Fehltritt des Gelehrten: die « Pest von Emmaus » und ihre theologischen Nachspiele, Heidelberg, C. Winter, 2001.
  • Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, P. U. F., 2013.
  • Boaz Shoshan, “Wabāʾ” in : EI II, Vol. 11, p. 3‒5.
  • Justin K. Stearns, Infectious Ideas: Contagion in Premodern Islamic and Christian Thought in the Western Mediterranean, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011.
  • Jacqueline Sublet, La peste prise aux rets de la jurisprudence : le traité d’Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī sur la peste, Paris, Éditions Larose, G. P. Maisonneuve, 1971.

[1] https://www.aljazeera.net/programs/shariah_and_life_during_ramadan/2020/4/27/الشريعة-والحياة-في-رمضان (consulté le 20 juin 2020).

[2] http://alwatannews.tn/article/14562 (consulté le 20 juin 2020).

[3] http://iumsonline.org/ar/ContentDetails.aspx?ID=11019 (consulté le 21 juin 2020).

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