Arabe
Le Caire. Dans une conférence donnée en arabe le samedi 25 janvier 2025 à l’Institut dominicain d’études orientales (IDÉO) au Caire, le professeur Ramzi Baalbaki, titulaire de la chaire d’études arabes à l’Université américaine de Beyrouth, explore les fondements de la théorie grammaticale arabe. Cette intervention, organisée par Jean Druel, spécialiste de grammaire arabe et ancien directeur de l’IDÉO (2014-2020), s’inscrit dans une réflexion plus large sur les différences d’approche entre chercheurs occidentaux et arabes concernant l’étude de la grammaire arabe.
La conférence de Ramzi Baalbaki s’articule autour de deux axes principaux : la relation entre orientalistes et chercheurs arabes, et la démonstration du caractère théorique et cohérent de la grammaire arabe. Le professeur commence par exposer la tension historique entre les approches orientalistes et arabes. Il cite plusieurs orientalistes, comme le français Ernest Renan (1823-1892), qui ont exprimé des doutes sur la capacité des Arabes à développer des systèmes théoriques cohérents. Cette vision orientaliste présupposait que toute innovation linguistique arabe devait nécessairement être empruntée à d’autres civilisations. Baalbaki nuance toutefois ce tableau en reconnaissant que certains orientalistes ont apporté des critiques constructives, notamment concernant le manque d’approche critique dans certaines études arabes traditionnelles.
La partie centrale de la conférence vise à démontrer l’existence d’une théorie grammaticale arabe cohérente et complète. Baalbaki identifie cinq concepts fondamentaux qui structurent cette théorie : l’opération grammaticale, l’analogie, la justification, l’estimation et l’origine. Il démontre comment ces concepts sont interconnectés et forment un système théorique robuste. L’exemple du Livre de la grammaire de Sībawayh (né vers 760, mort vers 793) est mis en avant comme première formalisation complète de cette théorie.
Un aspect remarquable de cette théorie est sa capacité à traiter les exceptions. Les grammairiens arabes ont développé des méthodes sophistiquées pour intégrer les cas particuliers dans leur cadre théorique, considérant que l’exception confirme la règle plutôt qu’elle ne l’invalide. Cette approche est illustrée par de nombreux exemples tirés de la tradition grammaticale.
En ce qui concerne la lexicographie arabe, Baalbaki adopte une position plus nuancée. Bien que reconnaissant des innovations majeures comme le classement par racines développé par Al-Khalil (718-786), il note que la théorie lexicographique n’a pas atteint le même niveau de systématisation que la théorie grammaticale. Néanmoins, les lexicographes arabes ont développé des réflexions méthodologiques importantes sur la fiabilité des sources et l’organisation des entrées.
La conférence se termine sur une note d’ouverture, suggérant que la reconnaissance de la sophistication de la théorie grammaticale arabe ne doit pas conduire à une vision hagiographique. Au contraire, Baalbaki plaide pour une approche équilibrée qui reconnaît à la fois les apports originaux de la tradition arabe et l’utilité des méthodes critiques développées par les chercheurs occidentaux.
Cairo. In a lecture delivered in Arabic on Saturday, January 25, 2025, at the Dominican Institute for Oriental Studies (IDEO) in Cairo, Professor Ramzi Baalbaki, holder of the Chair of Arabic Studies at the American University of Beirut, explores the foundations of Arabic grammatical theory. This talk, organized by Jean Druel, specialist in Arabic grammar and former director of IDEO (2014-2020), is part of a broader reflection on the different approaches between Western and Arab researchers regarding the study of Arabic grammar.
Ramzi Baalbaki’s lecture focuses on two main themes: the relationship between orientalists and Arab scholars, and the demonstration of the theoretical and coherent nature of Arabic grammar. The professor begins by exposing the historical tension between orientalist and Arab approaches. He quotes several orientalists, such as the French scholar Ernest Renan (1823-1892), who expressed doubts about Arabs’ ability to develop coherent theoretical systems. This orientalist view presupposed that any Arabic linguistic innovation must necessarily have been borrowed from other civilizations. However, Baalbaki qualifies this picture by acknowledging that some orientalists provided constructive criticism, particularly regarding the lack of critical approach in some traditional Arab studies.
The central part of the conference aims to demonstrate the existence of a coherent and complete Arabic grammatical theory. Baalbaki identifies five fundamental concepts that structure this theory: grammatical operation, analogy, justification, estimation, and origin. He demonstrates how these concepts are interconnected and form a robust theoretical system. The example of Sībawayh’s <em>Book of Grammar</em> (born around 760, died around 793) is highlighted as the first complete formalization of this theory.
A remarkable aspect of this theory is its ability to handle exceptions. Arab grammarians developed sophisticated methods to integrate special cases into their theoretical framework, considering that the exception confirms the rule rather than invalidates it. This approach is illustrated by numerous examples drawn from the grammatical tradition.
Regarding Arabic lexicography, Baalbaki adopts a more nuanced position. While acknowledging major innovations such as the root-based classification developed by Al-Khalil (718-786), he notes that lexicographic theory did not reach the same level of systematization as grammatical theory. Nevertheless, Arab lexicographers developed important methodological reflections on the reliability of sources and the organization of entries.
The conference ends on a note of openness, suggesting that recognition of the sophistication of Arabic grammatical theory should not lead to a hagiographic view. On the contrary, Baalbaki advocates for a balanced approach that acknowledges both the original contributions of the Arabic tradition and the usefulness of critical methods developed by Western scholars.
القاهرة. في محاضرة باللغة العربية ألقاها يوم السبت 25 يناير 2025 في المعهد الدومينيكاني للدراسات الشرقية بالقاهرة، تناول البروفيسور رمزي بعلبكي، أستاذ كرسي الدراسات العربية في الجامعة الأمريكية في بيروت، أسس النظرية النحوية العربية. نظم هذه المحاضرة جان دريول، المتخصص في النحو العربي والمدير السابق للمعهد الدومينيكاني للدراسات الشرقية (2014-2020)، وتأتي في إطار تأمل أوسع حول الاختلافات في المنهج بين الباحثين الغربيين والعرب في دراسة النحو العربي.
تتمحور محاضرة رمزي بعلبكي حول محورين رئيسيين: العلاقة بين المستشرقين والباحثين العرب، وإثبات الطابع النظري والمتماسك للنحو العربي. يبدأ الأستاذ بعرض التوتر التاريخي بين المنهجين الاستشراقي والعربي. ويستشهد بعدد من المستشرقين، مثل الفرنسي إرنست رينان (1823-1892)، الذين شككوا في قدرة العرب على تطوير أنظمة نظرية متماسكة. وكانت هذه الرؤية الاستشراقية تفترض مسبقاً أن أي ابتكار لغوي عربي لا بد أن يكون مستعاراً من حضارات أخرى. غير أن بعلبكي يُعدّل هذه الصورة معترفاً بأن بعض المستشرقين قدموا انتقادات بناءة، لا سيما فيما يتعلق بغياب المنهج النقدي في بعض الدراسات العربية التقليدية.
يهدف القسم الرئيسي من المؤتمر إلى إثبات وجود نظرية نحوية عربية متماسكة وشاملة. ويحدد البعلبكي خمسة مفاهيم أساسية تشكل هذه النظرية: العمل النحوي، والقياس، والتعليل، والتقدير، والأصل. ويوضح كيف ترتبط هذه المفاهيم ببعضها البعض لتشكل نظاماً نظرياً متيناً. ويُستشهد بكتاب الكتاب لسيبويه (ولد حوالي 760، توفي حوالي 793) كأول صياغة كاملة لهذه النظرية.
من الجوانب الملفتة في هذه النظرية قدرتها على معالجة الاستثناءات. فقد طوّر النحاة العرب أساليب متطورة لدمج الحالات الخاصة في إطارهم النظري، معتبرين أن الاستثناء يؤكد القاعدة ولا يبطلها. ويتجلى هذا المنهج في العديد من الأمثلة المستمدة من التراث النحوي.
فيما يتعلق بعلم المعاجم العربية، يتبنى البعلبكي موقفاً أكثر دقة. فرغم اعترافه بالابتكارات الكبرى مثل التصنيف حسب الجذور الذي طوره الخليل (718-786)، إلا أنه يلاحظ أن النظرية المعجمية لم تصل إلى نفس مستوى التنظيم المنهجي الذي وصلت إليه النظرية النحوية. ومع ذلك، فقد طور علماء المعاجم العرب تأملات منهجية مهمة حول موثوقية المصادر وتنظيم المداخل المعجمية.
ينتهي المؤتمر بنبرة انفتاحية، مشيراً إلى أن الاعتراف بتطور النظرية النحوية العربية لا ينبغي أن يؤدي إلى رؤية تقديسية. وعلى العكس من ذلك، يدعو بعلبكي إلى نهج متوازن يعترف بكل من الإسهامات الأصيلة للتراث العربي وفائدة المناهج النقدية التي طورها الباحثون الغربيون.
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Les fondements de la théorie grammaticale arabe
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